L'Aisne au cœur de la grande guerre 14-18


Jean Védovati
Jean Védovati

Extraits du livret de Jean Vedovati -  Combat de La Chapelle-Monthodon du 15 au 20 juillet 1918 - Deuxième bataille de la Marne Guerre de 1914-1918.

(Livret édité dans le cadre de l'Association pour la sauvegarde et la protection du patrimoine historique et culturelle de la commune de La Chapelle-Monthodon)

 

Au mois de juin 1918 me commandement suprême allemand a conscience qu'avec l'arrivée des troupes américaines, il ne peut plus obtenir de victoire. Il souhaiterait une paix négociée à de bonnes conditions pour l'Allemagne. Les alliés n'en veulent pas.

 

Pour arriver à leurs fins, Hindenbourg et Ludendorf veulent frapper un grand coup afin de choquer fortement les opinions publiques alliées et plus particulièrement les françaises.

 

Ce sera la prise de Reims qui, depuis quatre ans sous les bombardements journaliers, tient toujours. Pour faire tomber Reims, le Haut Etat-Major allemand n'envisage pas de s'attaquer à la ville même, mais de s'emparer par un mouvement en tenaille en attaquant d'une part sur la ligne Fossoy, Dormans, Saint-Euphraise en direction du sud-est et d'autre part sur la ligne Prunay, Main-de-Massiges en direction du sud-ouest, avec jonction des deux mouvements au sud de la Marne.

 

Durand ce mois de juin, sur La Chapelle-Monthodon,  des troupes de toutes unités y stationnent. Sur les hauteurs de Montleson, Chézy, Monthodon, Montlevon, les Piots des batteries de 75 sont installées dans les contre-pentes ou les fonds des 155 court à tir courbe. Les caves servant d'abris sont étayées. Puis, quand par les services de renseignements, il s'avère qu'une bataille aura lieu, l'ordre est donné aux habitants restants de partir.

 

Quelques rafales d'obus s'abattent sur La Chapelle-Monthodon et ses hameaux.

 

Dans la nuit du 14 au 15 juillet 1918 :

 

A 3 h 30, précédé par un tir de barrage roulant, l'ennemi s'avance sur nos positions.

 

Vers 5 h, du matin le lieutenant-colonel Boizard, afin de tenter de s'informer et de diriger les actions de combat s'est rendu à son PC près de la Bourdonnerie. Le secteur est soumis à de violents bombardements, de percutants et de toxiques. Le port du masque est nécessaire.

 

A5 h 30, il envoie un message à sa division et presque aussitôt, il est mortellement atteint par un obus.

 

A 7 h, les Allemands sont à Chézy et Montleson. Des combats se déroulent dans le ravin de Plaine-Houx. Mais déjà, les mitrailleurs de seconde position interviennent.

 

La presque totalité de nos batteries de la première position ont été abandonnées, certaines détruites, d'autres pas. Il est impossible de faire venir les attelages pour les replier, le bombardement était trop violent. Les pertes du 215e RAC sont de 209 hommes dont 11 officiers. Il a été très rare au cours de cette guerre qu'un régiment d'artillerie eut de telles pertes en une demi-journée de combat.

 

Le 273e RI est hors de combat. Il a perdu, ce jour, 1 240 hommes dont 38 officiers (plus de 3 100 depuis le 30 mai 1918).

 

Dans la matinée, une patrouille d'avant-garde allemande pénètre dans le village. Notre poste de secours sanitaires de Clairefontaine fonctionne toujours. La patrouille ne s’avance pas jusqu’à ce point. Des sections de combat plus nombreuses de chasseurs de 200e  DI descendent alors les pentes de Chézy.

 

Elles sont violemment prises à parti par des tirs directs de 75 provenant des bois de Rougis et des hauteurs Est de Monthodon et également sous les rafales de mitrailleuses des Crolais et de Montlevon. Les Allemands se replient sur Chézy en laissant de nombreux hommes sur le terrain dont plusieurs officiers.

 

En fin d’après-midi la 200e division attaque à nouveau, sur la ferme de Montlevon et sur celle des Piots. Cette fois, les groupes de combats ennemis sont fermement repoussés par le 2e RI qui assure la défense de la ferme et une section du 26e RIT qui tient le petit bois à l’ouest.

 

La nuit du 15 au 16 juillet se passe assez calmement, chacun s’organise sur ses positions.

 

Le 16 juillet, les Français contre-attaquent sur le front de la commune. A l’ouest, le 2e RI avec son 3e bataillon en direction de Chézy la Fontaine Creuse.

 

Dans la nuit du 16 au 17 juillet, la 4e division vient d’entrer en ligne, des relèves sont effectuées et la densité des troupes en vue de l’attaque prévue pour le 17 juillet est augmentée.

 

L’heure H est fixée à 11h.

 

L’attaque a-t-elle eu lieu ? Nous ne pouvons l’affirmer actuellement mais il est du domaine du possible que s’en fut le cas. Ce message reçu à 12h30 par le colonel du 32e RI a été envoyé à 11h40 « Espérons que la section du 77e RI, qui y était installée, n’a pas subi de pertes au cours de cet assaut. »

 

Les communiqués officiels et les journaux de l’époque indiqueront que la ferme des Pozards fut enlevée après deux jours de combats acharnés.

 

Sur le front de la commune le 18 juillet, il n’y a pas d’attaque.

 

Dans la nuit du 18 au 19 juillet, très discrètement, l’artillerie allemande engagée au sud de la Marne se replie au nord.

 

Il n’y a plus de combattants ennemis sur la rive sud, la dernière offensive allemande a échoué, désormais la retraite sera continuelle avec d’opiniâtres résistances jusqu’à l’armistice du 11 novembre.

 

Près de 600 soldats Français et Allemands ont vu le chemin de leur vie s’arrêter brusquement sur le territoire de notre commune.

Abréviations utilisées :

 

RAC :

Régiment d’Artillerie de Campagne.

RI :

Régiment d’Infanterie.

DI :

Division d’Infanterie

RIT :

Régiment d’Infanterie Territoriale